The Cure Disintegration

Comment aborder un tel album de The Cure ? « Disintegration » fut certainement un des plus beaux albums sortis par Robert Smith et sa bande, dans lequel on sent une plénitude de moyens et d’inspiration, au point d’aborder chaque single comme une œuvre à part entière, dans laquelle on sent un soin méticuleux dans chaque son. Cet album est le dernier de ce groupe que j’ai écouté régulièrement et qui revient souvent à mes oreilles. L’année 1989 marque la fin d’une décennie qui m’a vu prendre mes marques musicales et dont The Cure a largement contribué. On est bien sûr éloigné, en plus de dix ans de carrière, des sons post punks des débuts et des noirceurs sèches qui ont habitées les albums comme dans « Pornography », mais force est de reconnaître que tous les ingrédients du groupe sont exploités à fond dans un exercice périlleux et réussi.

Je ne sais plus combien de singles ont été sortis de cet album, mais cela prouve bien que l’inspiration et le travail finissent par payer, pour asseoir définitivement The Cure comme une des références musicales reconnues, dans un style particulier placé dans le romantisme ténébreux.

« Plainsong » ouvre le bal avec des sons scintillants, comme si notre voyage prenait son envol d’une manière lente et résolue. La voix unique de Smith est portée par une musique qui prend au corps par les synthés aériens qui dominent. « Pictures Of You » n’accélère que très peu le tempo, mais nous retrouvons la basse de Simon Gallup plus présente et des sons de guitares immédiatement reconnaissables. « Closedown » creuse encore plus le sillon avec des nappes de synthés enveloppantes, dont le rôle est de focaliser sur le jeu de guitare qui tisse des figures fragiles fascinantes. « Lovesong », écrite pour Mary Smith, est beaucoup moins brumeux, « Last Dance » renoue avec un Smith qui chante de façon plus résolue, « Lullaby » dont je me souviendrais longtemps la vidéo fantomatique, mélange rythme particulier et susurrement oppressé de Smith.

Que dire de « Fascination Street » dont l’impact fut énorme dans toutes les radios cette année là ? C’est pour moi le morceau imparable, avec cette basse omniprésente autour de laquelle tous les autres instruments tournent dans une sarabande inévitable. Je lie volontiers les trois morceaux suivants, que ce soit « Prayers For Rain » puissant, mais dont le désespoir fonde le thème de la chanson, « The Same Deep Water As You » dans lequel on se noie volontiers avec délectation, « Disintegration » percutant mais qui ne déstabilise pas du tout le disque.

Celui-ci finit par un apaisement sensible, une invitation dans un univers plus intime. « Homesick » y voit ces notes de piano sensibles croisées par des guitares en apesanteur, « Untitled » invite soit à fermer le cercle, ou soit à atterrir selon le cas..

Dire que ce disque est un monument musical n’est pas un acte irréfléchi, car je ne pense pas être le seul à le penser. C’est une œuvre dont la plus grande partie est sortie du crane de Robert Smith, qui a piloté pratiquement seul ces compositions. Grand bien lui en prit, car certains imaginaient à l’époque avoir une suite colorée à la « Kiss me ». Exposer sa mélancolie à la face du monde a servi The Cure à toucher bon nombre de personnes, et à rentrer au Panthéon de la musique dite New Wave, mais aussi de la musique rock tout court.

Je regrette parfois mes cheveux en pétard pour tout vous dire (sourires)..