Noir Désir Veuillez Rendre l'Ame..

Chroniquer cet album est loin d'être facile. Il faut se remémorer ce qui se passe en 1989, lorsque sort cet album, le premier véritable album de Noir Désir, propulsé par un single qu'ils renieront ensuite (surtout en live) sur le devant de la scène rock française en berne de Téléphone. Il faut reconnaître que cet album rassemble large, conjonction d'une attente d'un public français en manque certain, de compositions rageuses et poétiques, démarche de rebelles intelligents, textes inspirés, le tout emballé par une image mystérieuse, mais aussi revendicatrice. Wahou... Nous avions donc là les sauveurs, rien de moins, dans une vague teintée de noir à l'époque (les Négresses Vertes et Mano Negra, groupes sévissant dans d'autres styles certes). Il faut dire que vis-à-vis du premier effort discographique, les progrès sont évidents. Il semble que les quatre lascars ont trouvé leur son, une énergie certaine et on sent que cela peut aller très loin sur scène (ce qui est le cas).
La noirceur de leurs textes et de leur musique résonnent encore dans ma tête, avec des paroles saignantes, de la rage difficilement contenue, des références à de grands auteurs littéraires (Maïakovski entre autres). Le voyage musical est porté par les tripes, qu'il soit inspiré par la mer mais avec double sens ("Aux Sombres Héros de l'Amer"), et aussi par une certaine idée d'un Far West bien à eux, sale et poussiéreux (Joey II).
S'appuyant sur une section rythmique sans failles, qui s'emballe lorsqu'il le faut, les guitares s'énervent, cisaillent, rugissent pour notre plus grand plaisir. L'harmonica vient quelquefois s'inviter dans ces danses macabres et poisseuses par des plaintes déchirantes. Quant à la voix de Bertrand, elle est à la hauteur de l'ensemble, celui-ci chantant au bout de ce qu'il sait faire ("Sweet Mary"), tout en s'inspirant de Jim Morrisson.
L'alchimie est parfaite, les Noir Désir décomplexent la langue française dans un univers anglophone, même si le groupe s'essaie toujours à la langue de Shakespeare. Cet album est le début de la reconnaissance de ce groupe atypique, déterminé, sans concessions et ne laissant jamais indifférent.