And Also The Trees Hunter Not The Hunted

C’est avec une ferveur quasi mystique que j’attendais dans ma boite aux lettres le nouvel album d’un groupe dont je suis fier de posséder toute la discographie.

And Also The Trees représente pour moi une formation musicale à part, loin des modes changeantes, ayant inventé un style bien particulier, un mélange de poésie et de musique inspirées. Tout au long de leur longue carrière, j’ai suivi les aventures des deux frères Jones avec délectation, nourrissant invariablement ma curiosité et mon attention.

L’écoute d’une œuvre des And Also The Trees doit se faire seul, dans un silence absolu, afin de percevoir toute la richesse des mots et des volutes musicales si fines qu’elles plantent un décor à elles toutes seules. On est loin de considérer ce groupe comme un survivant des années 80, car depuis le style a muri, loin des stades et du succès qui souvent dénature. Le temps n’a pas de prise ici, l’intemporalité est vivante tout au long de ces chansons menées par la voix grave de Simon, mi parlée mi chantée, souvent incantatoire…

Il a été souvent décrit que leur son était soumis à quelques influence du lieu où ils enregistraient. Je pense aisément que les membres du groupe s’imprègnent de leur environnement, afin de faire passer un message sur ce qui peut être ressenti et retranscrit au travers des émotions simples et sincères. Rien n’est désuet, tout est élégance racée. Tout ce que ce groupe a créé sera encore d’actualité dans des dizaines d’années, un sujet sur lequel se pencheront ceux qui feront le tri entre l’indispensable et le futile. Bien sur, on peut ne pas aimer mais l’originalité ne peut jamais laisser indifférent.

Alors quid de ce nouvel album ?

J’avoue avoir pris le temps de me réinstaller dans ce qui fait le charme de ce groupe : la guitare de Justin qui tisse sa toile avec un son plus proche d’une mandoline, tout en réverbération calculée, plantant un décor victorien brumeux, la voix unique de Simon qui transporte au gré des mots son auditoire hypnotisé, l’alternance de la basse profonde et des mélopées sombres de la contrebasse électrique, les touches fines synthétiques et le soutien discret d’une batterie le plus souvent caressée. Le retour à l’électrique après une tournée acoustique a resserré le son du groupe à un cercle encore plus intimiste.

Dès « Only », on décolle très haut, dans un paysage dont on ne se lassera jamais avec eux..Les fondamentaux sont présents, tout en mi tempo et suavité des sons.

« Hunter not The Hunted » est parsemé par un son de melodica lointain et porté par une basse ronde et enveloppante, « Bloodline » avec ses ruptures de rythmes et de paysages est tout en délicatesse, « Black Handled Knife » plonge dans un univers fantasmagorique avec un synthé glacé, « The Woman On The Estuary » deviendra sans doute un classique avec ces sons clairs de guitare épurée et une émotion profonde, « Rip Ridge » développe un son merveilleux avec la contrebasse prégnante…Aucun titre ne me laisse indifférent, faisant voguer mon esprit si loin de mon lieu d’écoute, nourrissant mon âme d’une beauté mélancolique..

Avec cet album, je me sens détenteur d’un trésor pour initiés, un cadeau musical tel que je ne peux plus supporter la médiocrité de certains artistes, ne mettant plus la radio que pour prendre des nouvelles lointaines du monde extérieur…